Une patte de velours dans un gant d'acide : voilà ce qui avait valu à Balthazar, ce matin-là, une petite balade aux geôles, et ce n'était pas pour une incartade ou un dégrisement : ce n'était pas lui que l'on avait enchaîné. De manière générale, le chef évitait de le séparer de la petite dont il avait la charge, sachant à quel point le sauvageon rechignait à la confier à qui que ce soit. Ce qui lui valait d'être surnommé maman, une coutume peu appréciée. Donc, là, le programme était simple, et pouvait tout à fait être mené à bien pendant la sieste de la petite en question. Un bête interrogatoire. Balthazar grognait, traînait la patte et maudissait son chef, ayant espéré en profiter pour dormir également, mais il se rendit où on le lui intimait. Plus tôt ce serait commencé, plus tôt ce serait fini.
L'étranger avait été capturé alors qu'il rôdait sur leur territoire, et on avait immédiatement décelé qu'il s'agissait carrément d'un étranger à Venise, un parfait inconnu qui ne portait sur lui l'odeur de personne. Sa présence était un mystère inquiétant, a priori aucun ambassadeur de meute voisine n'étant particulièrement attendu. On y avait donc remédié en le plaçant bon gré mal gré en lieu sûr, sans trop chercher à comprendre ce qu'il baragouinait ; maintenant, l'intello attitré de la troupe, le petit monsieur je-sais-tout qui parlait si bien même quand il s'engueulait avec ses petits camarades, allait se coller au décryptage.
En approchant de la cellule, Balthazar découvrit un garçon à l'air très jeune, une critique qu'il faisait aisément et sans jamais se faire la réflexion que c'était aussi son cas. Il était brun, relativement bien coiffé malgré les inévitables secousses de son trajet jusqu'ici, et pâle, avec des traits agréables. Le jeune lycan n'éprouvait aucune méfiance particulière, d'un point de vue purement instinctif. Par ailleurs, il avait une grande assurance quant à sa propre force. Il s'avança et s'assit à côté de la grille, sans chercher à entrer, pour engager le plus naturellement du monde une conversation en italien. L'autre pouvait peut-être le parler, même si ce serait sans doute avec un accent assez prononcé.
''Bonjour, je me nomme Balthazar et je suis membre de cette meute. J'espère que vous n'avez pas été trop malmené lors de votre arrestation.''